October 2010
Cast: Mary Scripp, Jeff Tolbert, Georgette Garbès Putzel

Director: Elisabeth Lehr
Light and sound: Our regretted Brad “Bear” Ingalls

Jean Paul Sartre explains No Exit (Préambule à la pièce enregistrée en 1965. (Michel Conat et Michel Rybalka – Folio essais – Gallimard 1992).):

But there were at the time more general concerns, and I wanted to express something else than just what the situation presented me with. I wanted to say “Hell is other people.” Now “Hell is other people” has always been misunderstood. People thought that by that I wanted to say that our relationships with others were always poisoned, that the relations were always hellish. But I wanted to say something else. I wanted to say that if our relationship with another person is twisted, vitiated, then the other person is our Hell.

Why? Because other people are, deep down, what is the most important in us for our own knowledge of ourselves. When we think of ourselves, when we are trying to understand ourselves, in fact we are using the knowledge that the others already have about us. We judge with the means that the others have, have given us to judge us. Whatever I say about myself, other’s judgment always enters in it. Which means that if my relationships are bad, I am putting myself in total dependence on others.

And then indeed I am in Hell. And there are a great many people in the world who are in Hell because they depend too much on the judgment of others. Now this does not mean that we can’t have different relationships with others. It simply indicates the capital importance of other people for each of us.

The second thing I would like to say is that these people are not similar to us. The 3 characters you will hear in “No Exit” are not like us: we are alive, and they are dead. Of course, “dead” here symbolizes something. What I meant to show is precisely that many people get into a rut of a series of habits or customs, that they have on them judgments which make them suffer but that they don’t even try to change.

And these people are like dead people in that they cannot break the frame of their worries, of their preoccupations and of their habits. And that they often remain victims of judgments passed on them. Furthermore, they are cowards or are mean for example. Once they start being cowardly, nothing comes along to change their cowardice. This is why they are dead; this is why.

It is a way of saying that it is a living death to be surrounded by the constant worry of judgments and of actions that we do not want to change. Hence truly, as we are alive, I wanted to use absurdity to show the importance for us of freedom, that is to say the importance of replacing some actions by other actions.

Whatever circle of Hell we live in, I think that we are free to break out of it. And if people do not break out, they are staying there by choice; hence they put themselves freely in Hell. You see then: relationships with others, getting into a rut, and freedom (freedom: the other side of the coin, barely hinted at [in the play]), these are the three themes of the play. Remember this when you will hear “Hell is other people.” J.P. Sartre, 1965.

J’en Paul Sartre nous explique Huis Clos. (Préambule à la pièce enregistrée en 1965. (Michel Conat et Michel Rybalka – Folio essais – Gallimard 1992):

“Quand on écrit une pièce, il y a des causes occasionnelles et des soucis profonds. La cause occasionnelle c’est que, au moment où j’ai écrit Huis Clos, vers 1943 et début 44, j’avais trois amis et je voulais qu’ils jouent une pièce, une pièce de moi, sans avantager aucun d’eux. C’est à dire, je voulais qu’ils restent ensemble tout le temps sur la scène. Parce que je me disais, s’il y en a un qui s’en va, il pensera que les autres ont un meilleur rôle au moment où il s’en va.

Je voulais donc les garder ensemble. Et je me suis dit, comment peut-on mettre ensemble trois personnes sans jamais faire sortir l’une d’elles et les garder sur la scène jusqu’au bout comme pour l’éternité. C’est là que m’est venue l’idée de les mettre en enfer et de les faire chacun le bourreau des deux autres. Telle est la cause occasionnelle.

Par la suite d’ailleurs, je dois dire, ces trois amis n’ont pas joué la pièce et, comme vous le savez c’est Vtold, Tania Balachova et Gaby Sylvia qui l’ont jouée. Mais il y avait à ce moment-là des soucis plus généraux et j’ai voulu exprimer autre chose dans la pièce que simplement ce que l’occasion me donnait. J’ai voulu dire : l’enfer, c’est les autres.

Mais “l’enfer, c’est les autres” a toujours été mal compris. On a cru que je voulais dire par là que nos rapports avec les autres étaient toujours empoisonnés, que c’étaient toujours des rapports infernaux. Or, c’est autre chose que je veux dire. Je veux dire que si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer.

Pourquoi ? Parce que les autres sont au fond ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre connaissance de nous-mêmes. Quand nous pensons sur nous, quand nous essayons de nous connaître, au fond nous usons ces connaissances que les autres ont déjà sur nous. Nous nous jugeons avec les moyens que les autres ont, nous ont donné de nous juger.

Quoique je dise sur moi, toujours le jugement d’autrui entre dedans. Ce qui veut dire que, si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui. Et alors en effet je suis en enfer. Et il existe une quantité de gens dans le monde qui sont en enfer parce qu’ils dépendent trop du jugement d’autrui. Mais cela ne veut nullement dire qu’on ne puisse avoir d’autres rapports avec les autres. Ça marque simplement l’importance capitale de tous les autres pour chacun de nous.

Deuxième chose que je voudrais dire, c’est que ces gens ne sont pas semblables à nous. Les trois personnages que vous entendrez dans Huis Clos ne nous ressemblent pas en ceci que nous sommes vivants et qu’ils sont morts. Bien entendu, ici “morts” symbolise quelque chose. Ce que j’ai voulu indiquer, c’est précisément que beaucoup de gens sont encroûtés dans une série d’habitudes, de coutumes, qu’ils ont sur eux des jugements dont ils souffrent mais qu’ils ne cherchent même pas à changer. Et que ces gens-là sont comme morts. En ce sens qu’ils ne peuvent briser le cadre de leurs soucis, de leurs préoccupations et de leurs coutumes et qu’ils restent ainsi victimes souvent des jugements qu’on a porté sur eux.

A partir de là, il est bien évident qu’ils sont lâches ou méchants par exemple. S’ils ont commencé à être lâches, rien ne vient changer le fait qu’ils étaient lâches. C’est pour cela qu’ils sont morts, c’est pour cela, c’est une manière de dire que c’est une mort vivante que d’être entouré par le souci perpétuel de jugements et d’actions que l’on ne veut pas changer.

De sorte que, en vérité, comme nous sommes vivants, j’ai voulu montrer par l’absurde l’importance chez nous de la liberté, c’est à dire l’importance de changer les actes par d’autres actes. Quel que soit le cercle d’enfer dans lequel nous vivons, je pense que nous sommes libres de le briser. Et si les gens ne le brisent pas, c’est encore librement qu’’ils y restent, de sorte qu’ils se mettent librement en enfer. Vous voyez donc que, rapports avec les autres, encroûtement et liberté, (liberté comme l’autre face à peine suggérée), ce sont les trois thèmes de la pièce.

Je voudrais qu’on se le rappelle quand vous entendrez dire “l’enfer c’est les autres” >>.
J.P. Sartre, 1965.